[Primae Scriptarium Officiel] La Voyageuse est de retour !

 

La Voyageuse est de retour !
Deux années durant la Voyageuse traversa les enfers ; se faisant rare et terrible à la foi. Elle était surtout devenue très rare car, figure promotionnelle oblige, elle n'était qu'en nombre limité.
Cipher Studio ayant décidé de la ressortir en format standard, la Voyageuse revient avec de nouvelles statistiques. Les voici présentées pour la première foi sous format PDF imprimable. Avec en prime quelques secrets sur ses deux années de disparition…

Bon jeu à tous !
Alaster,


Sur le plus haut balcon de la pagode, assise sur l'imposante carapace d'une tortue-âme, la Voyageuse finissait son paquetage tout en gardant un œil sur l'horizon : des rizières à perte de vue d'où jaillissaient de loin en loin des pics solitaires dressés comme des lances. Le martèlement d'un tambour de guerre raisonnait au-dessus de ce paysage brumeux.

Décidée à envelopper dans un bout d'étendard déchiré une longue pipe à opium, elle s'accorda d'abord quelque seconde pour admirer l'objet. La face de dragon du foyer en os semblait en cet instant lui faire une proposition : celle d'un sommeil plein d'oubli suivi d'une mort sans souffrance. Elle ne sentirait pas les coups de ses ennemis quand ils se presseraient pour l'achever. Il lui suffisait de l'allumer, de fermer les yeux et de laisser le monde se changer en rêverie…

« C'était une année du Tigre, et elle avait tenu ses promesses de feu et de sang. Les hommes bêtes d'Ahriman avaient fondu par surprise sur le quatorzième district. Mal gardée, la région était tombée comme un fruit mûr. C'était un temps de morts violentes et de pillages, un temps pour l'acier et les héros. »

Et surtout le moment idéal pour filer enfin de ce trou à rat et regagner Sapience ou le Kohut… Son séjour à la maison des supplices lui avait paru durer des siècles. Capturée avec son expédition aux portes de Diyu, elle avait dû travailler sans relâche pour l'administration immortelle. Ses mains faites pour l'escrime ne s'étaient jamais habituées au bois des seaux et au tissu des chiffons. Au moins avait-elle échappé aux labeurs des rizières fétides où tant de ses anciens compagnons de route étaient morts d'épuisement. Mais même si la Voyageuse pouvait s'estimer chanceuse, elle n'en était pas moins restée des mois durant une esclave dans les griffes des mandarins de Yanluowang.

La sauvage incursion des égarés d'Ahriman avait fort heureusement changé la donne. De toute éternité, les deux archidémons ne s'étaient jamais appréciés et ne manquaient pas une occasion de se nuire. Tandis que les troupes démoniaques de l'un se regroupaient en ordre de marche, les squamates de l'autre se dispersaient en petites bandes pour razzier. L'un créait le plein, l'autre le vide, dans une tradition de guerre taoïste séculaire.
    Profitant du chaos, le personnel de la maison des supplices s'était soulevé, et avait réduit l'établissement à un tas de cendres. Après s'être illustrée au plus fort de la révolte en abattant l'un des gardes démons, la Voyageuse avait pris sans peine la tête d'un petit groupe de fuyards. La plupart étaient des anciens de l'expédition, mais d'autres étaient détenus depuis l'incursion occidentale en Diyu. Tous étaient désireux de quitter ce cercle des Enfers. Ils s'étaient tournés vers elle pour les mener sur la bonne voie. Si la promesse avait été simple à formuler, sa réalisation restait moins aisée. Surtout en l'absence de son vieux Charon -si seulement elle pouvait trouver le moyen de lui faire passer un message à travers les cercles...-.

Au moins avait-elle retrouvé en route son précieux sabre. Après sa capture, l'arme était passée de main en main jusqu'au légendaire Mont des Trente Milles Marches, à la frontière du treizième district. Là, il avait rejoint la collection d'un maître barbichu qu'elle avait du tuer -c'était de lui qu'elle tenait la pipe. Il avait fallu décimer au passage ses élèves, ivres d'exploits et de Tao ; avant de redescendre l'escalier sans fin qui serpentait jusqu'à une vallée d'ossements. Un détour aussi long que sanglant sur le chemin du retour, mais elle aimait son sabre. Et puis le massacre de l'école du Paon Blanc par une étrangère et ses compagnons ferait l'un de ces beaux contes qu'aimaient tant se raconter les gens du cru :

« Jadis, sur le Mont des Trente Milles Marche, s'était installé un vénérable maître des lames nommé Wu Son. Sa réputation était telle que nul n'osait le défier. De tout Diyu des disciples se pressaient pour recevoir son enseignement. Tant est si bien que son école, le Paon Blanc, était la plus glorieuse de la région et que rien ne semblait pouvoir jamais ternir sa gloire. Jusqu'au jour où… »

    « Espérons que les heures qui viennent offriront un dénouement tout aussi heureux à notre nouvelle mésaventure », songea-t-elle amère. Rien n'était moins sûr.
Après le mont des paons refroidis, embuscades meurtrières et longues journées de marches s'étaient succédées. Il lui avait bien fallu accorder une halte à sa compagnie. C'est le petit hameau de Kao Mei, épargné par les combats, qu'elle avait choisi. Trouver ce village encore intact, avec ses greniers pleins et ses habitants dociles, lui avait d'abord paru une aubaine. Mais une meute d'égarés d'Ahriman avaient encerclé les lieux quelques heures à peine après leur arrivée… Ironie suprême, sa petite bande était désormais le dernier espoir des paysans qu'ils étaient venu détrousser.

Du balcon de la pagode, la Voyageuse balaya du regard la rue principale où le Manchot, l'un de ses vieux soldats damnés, s'escrimait à entraîner des villageois équipés d'armes de fortunes. Un peu plus loin, des femmes damnées plantaient des pieux et montaient une barricade sous la direction de Calavera, un ancien hallebardier de la Nouvelle Jérusalem.
Malgré tous ces efforts pour organiser la défense du village, l'heure n'était pas à l'optimisme. Des vingt qui l'avaient suivi après l'incendie de la maison des supplices, il ne lui restait que six compagnons. Même avec le concours de quelques paysans plus braves que les autres, cela faisait encore trop peu. Des squamates aux écailles peintes de spirales rouges jailliraient bientôt de tous côtés pour porter le feu et la rage de leur maître Ahriman. Il serait impératif de tuer leur chef aussi vite que possible. Sa mort serait leur seule chance de mettre un terme à l'assaut des pillards ; un bien maigre espoir en vérité. Alors pourquoi ne pas se laisser aller à profiter de cette longue pipe à opium ? Attendre les égarés en « chassant le dragon » ne serait sans doute pas plus vain que de croire leur tenir tête.

Soudain le tambour lointain se tue.
Le regard calme de la Voyageuse se posa sur les carapaces des tortues-âme entreposées dans la pagode. Les écailles grises étaient décorées de motifs relatant l'histoire ancestrale d'une héroïne du monde d'en-haut, une fille qui se travestissaient en homme pour partir livrer bataille. Un joli conte plein de courage et de fureur qu'une gamine damnée du village lui avait narré la veille. Si elle sauvait ce hameau de la destruction, se souviendrait-on d'elle et de sa compagnie? Peindrait-on leur histoire sur des carapaces ? L'écrirait-on sur des rouleaux ? Peu probable... Mais si jamais elle se laissait aller à fumer et que la mort la surprenait dans un demi sommeil, alors oui, il était sûr que sa fin serait oubliée, que personne ne l'évoquerait jamais à la veillée.
Cette pensée ralluma une étincelle de fougue dans son âme. Elle rangea sa pipe à opium et passa son sabre dans sa ceinture. Vers la légende ou vers l'oubli, elle marcherait d'un cœur léger et les armes à la main.

« Il était une fois, aux confins du quatorzième district de Diyu, dans un village qu'encerclaient les cruels hommes bêtes d'Ahriman… »



Pierre Bouas


Vous pouvez maintenant télécharger le pdf présentant la Voyageuse sur ce lien.

 

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